Par Véronique Pernin
En 2017, selon une étude que vient de publier Altares, 16 472 entreprises ont sollicité un redressement judiciaire. Des chiffres qui rappellent l’importance fondamentale de la communication, pour rassurer l’écosystème de l’entreprise (personnel, clients, partenaires,…) et préparer la sortie de crise.
Mesure protectrice, le redressement judiciaire n’est pas synonyme de fin d’activité comme la liquidation : elle offre un terrain favorable à l’assainissement des comptes en vue d’un rebond. La mise en redressement judiciaire d’une entreprise est rendue publique (publication au BODACC) et transmise par obligation au personnel, contrairement à un « mandat ad hoc » ou à une « conciliation » qui restent confidentiels. Dès lors, rumeurs et inquiétudes peuvent apparaitre en interne, et les clients et partenaires peuvent adopter une posture du « sauve qui peut » particulièrement nuisible aux potentialités de redressement ou de reprise…
Au-delà des indicateurs économiques et financiers, les indicateurs de confiances sont clés pour redresser une entreprise. A ce titre, la communication est un outil efficace pour maintenir la mobilisation des équipes; repositionner et positiver le discours sur le fond ; fluidifier et pacifier les relations entre les parties prenantes ; et servir les stratégies établies par les conseils de l’entreprise. Elle favorise le maintien du fonds de commerce et de l’écosystème de l’entreprise, socle indispensable à toute solution de continuation. Elle contribue à restaurer l’image de l’entreprise, et à communiquer sur les perspectives de sortie de crise, tout en l’accompagnant. Bien gérée, la communication est facteur de confiance. Absente ou mal, gérée, elle peut générer une défiance, impossible à surmonter.
L’anticipation comme maitre mot
Pour maximiser ses chances de rebond, l’entreprise doit préempter le discours dès qu’elle sait qu’elle va devoir solliciter un redressement judiciaire. Objectif : maitriser les messages, expliquer, rassurer et refédérer, plutôt que de subir les rumeurs et les inquiétudes. Celui qui parle le premier (préempte le discours) bénéficie d’une prime à la crédibilité, donne le ton, offre au marché une explication positivée, construite, et rationnelle de la situation, et définit les thématiques qui irrigueront ensuite la vie de la crise.
La surveillance des lieux d’expression, dans la presse, sur le web ou sur les réseaux sociaux – via une veille – tient un rôle majeur dès les premières heures pour éviter la fuite d’informations, les fausses rumeurs, ou sonder les premières réactions à la situation de l’entreprise.
Une cellule de crise (en cercle stratégique et rapproché) est en général composée de l’ensemble des spécialités et dimensions requises pour le traitement de la situation (dirigeant, administrateur judiciaire, conseils financiers et juridiques, responsable RH, communication…). Seule une coordination permanente avec les membres de la cellule de crise, permet d’élaborer une communication venant servir les solutions de pérennité identifiées. La communication ne sera pas la même selon que l’entreprise vise à élaborer un plan de continuation ou un plan de reprise. Il faut assurer la cohérence du discours entre tous les acteurs et, idéalement, désigner un porte-parole. Dans ces situations anxiogènes, l’expérience enseigne que la moindre dissonance publique entre les acteurs d’un dossier vient obérer la gestion et la sortie de crise (cf. cas Lactalis).
Un corpus de messages sur les éléments positifs et sur les perspectives de rebond
Au-delà de sa faiblesse passagère, l’entreprise possède des atouts, des perspectives, un plan de redressement ou de reprise qu’il faudra expliquer, et autour duquel il faudra fédérer rapidement. Le travail du communicant passe donc par un diagnostic complet et l’établissement d’un discours basé sur les forces de l’entreprise pouvant être mis en avant. Par exemple : un personnel mobilisé et pacifié ; un management de qualité ; des atouts industriels ; un maillage commercial ; une reprise ou croissance des ventes ; des perspectives positives ; un plan de redressement….
Qui plus est, dans ces situations, le facteur temps est déterminant. Pour préempter le discours et limiter les dérapages, la communication s’orchestre selon un « plan » et un « momentum » précis : réunions du personnel ; échanges préparés avec les journalistes ; communication rassurante auprès des clients ; management réactif et stratégique des réseaux sociaux, etc.
Etablie au départ, la stratégie de communication s’ajustera ensuite aux évolutions du dossier jusqu’à l’officialisation d’une « sortie de crise » effective. Dans cette dernière phase, communiquer sur des « faits » démontrant que le plan de redressement est en marche, que tous les moyens sont mis en œuvre, et que les prévisions se concrétisent, permet de restaurer la confiance en interne comme en externe.